Le contexte actuel de crise sanitaire va engendrer une hausse massive de l’endettement public. Dans le débat public, la création monétaire par les banques centrales est souvent proposée comme une solution. La monnaie créée par les banques centrales est-elle vraiment une « monnaie magique » qui pourrait éviter aux États d’émettre de la dette publique ou bien annuler les dettes existantes ?
Pour répondre à cette question, il est d’abord utile de comprendre comment une banque centrale crée de la monnaie. En général, les banques centrales émettent de la monnaie de deux manières : lorsqu’elles mettent des billets de banque en circulation et lorsqu’elles créditent les comptes courants que les banques commerciales détiennent auprès d’elles. Cette monnaie n’est jamais offerte, elle est émise en échange d’un titre financier que la banque centrale acquiert ou d’un prêt à une banque commerciale. Cette forme d’émission permet à la banque centrale de réduire la quantité de monnaie en circulation, si elle le juge nécessaire, pour atteindre son objectif de stabilité des prix, en revendant des titres ou en diminuant l’offre de nouveaux crédits aux banques commerciales.
Concrètement, lorsque la Banque de France achète une obligation d’État française auprès d’une banque française, elle crédite le compte de dépôt que cette banque détient auprès d’elle. La Banque de France perçoit alors des intérêts sur cette obligation et paie des intérêts sur le dépôt créé, les deux taux d’intérêt pouvant être négatifs. Tant que le taux de rendement à l’échéance de l’obligation est supérieur au taux du dépôt des banques commerciales, la Banque de France réalise un bénéfice, qu’elle transfère ensuite au Trésor français.
Comme la banque centrale est propriétaire de la dette publique et que le gouvernement est propriétaire de la banque centrale, la dette publique détenue par la banque centrale ne peut-elle pas être annulée en laissant le bilan total du secteur public inchangé ?
Non. Tout d’abord, c’est illégal en zone euro car les Traités l’interdisent. Ensuite, la banque centrale doit toujours des intérêts sur les dépôts créés. Si les taux d’intérêt payés sur les dépôts sont positifs, la banque centrale devra de l’argent sans avoir les revenus nécessaires pour le payer. Il y a principalement deux possibilités dans ce cas : soit le gouvernement recapitalise la banque centrale (et le secteur public n’aura donc rien gagné à l’opération) soit la banque centrale rembourse en émettant de nouvelles réserves. Dans le second cas, le risque est la perte de la confiance dans la monnaie et la perte de contrôle du niveau de l’inflation. Même si ce risque parait éloigné aujourd’hui, l’histoire nous apprend que l’inflation peut être d’origine budgétaire et que les coûts économiques et sociaux de l’inflation peuvent être très élevés. On le voit bien : dans tous les cas, on ne crée jamais de monnaie de façon magique.
Pour une analyse plus approfondie, consulter le site de la Banque de France.
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