Les prix du pétrole se sont effondrés avec la baisse de la demande mondiale due à la crise du coronavirus. Cette baisse est estimée par l’Agence Internationale de l’Énergie à -30 % en avril, par rapport à 2019. La chute des cours a été accélérée par l’augmentation paradoxale de l’offre de pétrole menée par l’OPEP, suite à un désaccord avec la Russie concernant une réduction concertée de la production. Fin mars, le cours du Brent plongeait ainsi à 22$/baril (figure 1), soit un niveau jamais atteint depuis 2002. Enfin, un accord de réduction de la production de l’OPEP et d’autres pays, intervenu début avril, n’a permis d’aboutir qu’à une réduction de 10 % de la production mondiale, à partir du mois de mai.
Cet accord étant insuffisant pour compenser la baisse de la demande, la production excédentaire continue de gonfler les stocks mondiaux. Si bien que les capacités de stockage peuvent venir à manquer. Cela a été le cas le 20 avril 2020, dernier jour avant l’expiration des contrats à terme (« futures ») pour le pétrole américain brut (appelé « WTI », pour West Texas Intermediate) pour livraison en mai, livraison qui s’effectue physiquement à Cushing, en Oklahoma. Les traders détenant des positions « longues » sur ces contrats, soit pour une couverture du risque, soit pour spéculation sur le prix du pétrole, ne détiennent pour la plupart pas de capacité de stockage, et doivent donc trouver un acheteur disposant de telles capacités. Les capacités de stockage pour le mois de mai à Cushing atteignant leurs limites, le prix consenti pour dénouer le contrat a, ce jour-là, plongé en territoire négatif, jusqu’à un niveau record de -37,6$/baril (figure 2). Par arbitrage, le prix au comptant (ou physique) a aussi été négatif. Les volumes concernés par ces niveaux de prix sont restés cependant limités, et les contrats pour livraison en juin restent, pour le moment, en territoire positif.
Concernant le pétrole de qualité Brent, produit en mer du Nord, la baisse de prix a été plus limitée sur les « futures », car les contrats sont réglés en espèces (« cash-settled ») c’est-à-dire qu’ils ne nécessitent pas de livraison physique. Pour les contrats au comptant, impliquant une livraison physique, la capacité de livrer le pétrole directement, et donc de le stocker, auprès de tankers pétroliers, a permis au cours du Brent de rester en territoire positif jusqu’à présent. Mais cela pourrait ne pas durer avec la baisse du nombre de tankers disponibles.
En termes économiques, des prix négatifs signifient que lorsque les contraintes de stockage sont fortes, les vendeurs (y compris les investisseurs sur les marchés à terme qui devaient recevoir du pétrole à l’échéance du contrat à terme) sont prêts à payer les acheteurs pour qu’ils reçoivent la livraison des marchandises qui les encombrent afin de ne pas payer les coûts de stockage.
Un prix du pétrole si bas n’est pas durable : il est bien en-dessous du coût de production aux États-Unis, et devrait entraîner une réduction de la production américaine.
Figure 1 : Évolution du prix au comptant (ou physique) du Brent et du WTI ($/barils)
(source : Thomson Reuters)
Figure. 2 : Contrats Futures WTI à échéances mai, juin et juillet ($/barils)
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