Le 18 mars, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé un nouveau programme temporaire d’achats d’actifs privés et publics, d’un montant de 750 milliards d’euros pour l’année 2020 : le « programme d’achats d’urgence face à la pandémie » (Pandemic Emergency Purchase Programme, ou PEPP). Ce programme s’ajoute aux achats d’actifs déjà prévus (300 milliards d’euros) et aux financements massifs accordés aux banques pour maintenir les crédits à l’économie.
D’où proviennent ces 750 milliards d’euros ?
La spécificité d’une banque centrale, c’est de pouvoir créer de la monnaie virtuellement sans limites : traditionnellement par l’impression de billets, mais dans une économie moderne plutôt par la création de « réserves » (c’est-à-dire de la monnaie inscrite sur les comptes bancaires que les banques commerciales détiennent auprès de la banque centrale).
C’est pour cette raison que la BCE peut acquérir auprès des banques commerciales des créances, ou des titres représentatifs des créances (ou obligations), qu’elles détiennent sur les États ou les entreprises (voir schéma). En échange, les banques reçoivent de l’argent (des « réserves » auprès de la banque centrale), ce qui les conduit à augmenter leurs prêts à l’économie réelle. L’argent créé par les banques centrales n’est toutefois pas donné définitivement : il est prêté aux banques pour une durée limitée. Les obligations seront remboursées à la BCE dans quelques années lorsqu’elles arriveront à terme.
Cette enveloppe exceptionnelle de 750 milliards d’euros – qui représente près de 6 % du PIB de la zone euro – aidera donc les États et les entreprises qui se financent sur les marchés à étaler dans le temps la charge exceptionnelle de la crise sanitaire.
Pourquoi ce programme ?
Dans la situation exceptionnelle qui prévaut aujourd’hui, tout le monde craint de manquer de liquidité : les entreprises pour faire face à des besoins de trésorerie, les prêteurs et les investisseurs pour faire face à des retraits ou éponger des pertes, etc. Dans une telle situation, le rôle de la banque centrale est de garantir la confiance et la liquidité pour empêcher un blocage du crédit et des faillites en chaîne. Par ailleurs, face à ce qui représente à la fois un choc d’offre et de demande sans précédent, l’orientation de la politique monétaire doit devenir encore plus accommodante pour soutenir l’économie.
Comment le programme aide-t-il les agents économiques?
Il permet à tous les agents économiques – qui se financent via les marchés (entreprises et États) – de conserver un accès aux liquidités nécessaires, et ceci à des taux d’intérêt demeurant extrêmement bas. Cela va notamment aider les grandes entreprises et les ETI à traverser cette crise, en évitant les pertes d’emplois et les faillites. Le financement des programmes sociaux et sanitaires mis en place par les États pour faire face à l’urgence pandémique sera aussi facilité. Ce programme s’ajoute à l’enveloppe de liquidité massive que nous avons mise à disposition des banques pour financer les entreprises. C’est le dispositif « TLTRO 3 » qui nous permet de refinancer à un taux négatif (pouvant atteindre -0,75 %) jusqu’à 50% des crédits à l’économie faits par les banques. Les deux programmes PEPP et TLTRO 3 constituent un bouclier puissant pour l’économie. Derrière nos opérations de financement, notre objectif est bien de soutenir chaque citoyen et chaque entreprise de la zone euro dans cette crise sans précédent.
Quels sont les risques (notamment de voir l’inflation augmenter) ?
Il n’existe pas de limite théorique au soutien de la Banque centrale. Toutefois, nous agissons dans le cadre de notre mandat de stabilité des prix, que nous avons définie comme une inflation inférieure à mais proche de 2 % à moyen terme. Et nous restons bien sûr attentifs aux effets secondaires de nos mesures sur la stabilité financière. L’inflation en zone euro demeure actuellement à un niveau inférieur à la cible de la BCE – à 1,2 % en février 2020. Dans les circonstances actuelles, le risque d’une inflation excessive à moyen terme est minime en raison de la dégradation de l’environnement économique et de la baisse des prix du pétrole. Pour autant, les programmes massifs de soutien pourraient, à plus long terme, alimenter des niveaux d’inflation plus élevés, et dont nous avions perdu l’habitude depuis la mise en place de l’euro. Et un prolongement du confinement pourrait engendrer des phénomènes de pénurie alimentant une hausse des prix dans certains secteurs.
Quelles sont les implications pour l’après-crise ?
Lorsque la situation se normalisera, la préférence pour la liquidité va diminuer. La BCE aura alors la possibilité de réduire son offre de liquidité en prêtant moins aux banques ou en diminuant ses achats de titres. Elle pourra aussi diminuer – en temps voulu – son stock de titres détenus en ne réinvestissant plus les montants remboursés lorsque les obligations arrivent à maturité. Le rythme de cette normalisation dépendra bien sûr de l’évolution des perspectives d’inflation.
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