Le verdissement de la politique monétaire comme levier pour accélérer la lutte contre le réchauffement climatique

L’urgence climatique ne doit pas être une victime collatérale de l’urgence sanitaire. À la Banque de France, et de plus en plus au sein de l’Eurosystème, nous sommes animés d’une ambition simple mais tenace : faire tout notre possible pour soutenir et compléter l’action collective en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Nous ne pouvons pas tout faire – rien ne remplacera un prix du carbone approprié – mais nous pouvons faire beaucoup.

La Banque de France porte depuis l’origine le Réseau pour le verdissement du système financier (Network for Greening the Financial System – NGFS) né à Paris en décembre 2017, et qui compte désormais plus de 80 membres dont la Réserve fédérale américaine depuis le 15 décembre dernier. La Banque de France a aussi été, depuis 2019, la première banque centrale de l’Eurosystème à publier un rapport complet sur sa politique d’investissement responsable ; nous nous sommes engagés à sortir complètement du charbon d’ici 2024. La Banque centrale européenne, quant à elle, a été la première banque centrale à inscrire la lutte en faveur du climat au sein de sa revue stratégique.

La prise en compte du changement climatique par l’Eurosystème n’est ni un abus de mission, ni une simple conviction militante ou une mode ; c’est un impératif que nous devons poursuivre au nom même de notre mandat et pour assurer la bonne mise en œuvre de la politique monétaire. Comment y parvenir concrètement ?

Il faut d’abord rappeler que la politique monétaire très accommodante de l’Eurosystème favorise déjà le financement de la transition, grâce à des taux d’intérêt très bas et des liquidités abondantes. Les investissements verts devront être très significatifs – avec plus de 1 000 milliards d’euros d’investissements publics et privés prévus dans le cadre du Green Deal européen ; mais jamais la politique monétaire n’a été aussi favorable à leur réalisation. Le verdissement de l’action de la banque centrale n’est donc pas une question d’assouplissement additionnel de la politique monétaire, mais de recalibrage de ses outils.

Mais nous pouvons aujourd’hui aller plus loin :

1/ Il faut pousser plus loin notre compréhension des effets du changement climatique, non seulement sur les prix mais aussi sur la croissance, et ce, tant sur la durée du cycle économique qu’à des horizons beaucoup plus lointains.

2/ Imposer la transparence à toutes nos contreparties, non seulement financières mais aussi entreprises (corporate), pour le collatéral comme pour les programmes d’achats de titres. Cette transparence est une condition sine qua non pour mieux appréhender les risques.

3/ Réduire concrètement notre risque climatique, à travers nos politiques d’achats d’actifs et de collatéral, à savoir décarboner le bilan de la BCE selon une approche pragmatique, progressive et ciblée sur tous les actifs corporate, qu’ils soient détenus au bilan de la banque centrale (les achats) ou pris en garantie (le collatéral).

Pour en savoir plus sur le rôle des banques centrales dans le verdissement de l’économie, voir le discours de François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France.