Les marchés financiers sont-ils déconnectés de l’économie réelle ?

Les mesures de soutien massif ont favorisé un sentiment de confiance sur les marchés, porté également par les espoirs en lien avec le développement des vaccins. Les marchés actions américains et, dans une moindre mesure, européens, ont connu un rebond significatif depuis leurs plus bas de mars, pour renouer pratiquement avec leurs niveaux de 2019 à l’été 2020. Dans le cas américain, ils ont même atteint des plus hauts historiques (cf. graphiques 1 et 2). Du côté des marchés de dette et de crédit, les taux d’intérêt sur les obligations les plus sûres ont atteint des niveaux historiquement bas, et ont entraîné dans leur sillage une baisse généralisée des taux d’intérêt auxquels les entreprises s’endettent sur les marchés financiers. Les niveaux de valorisation des actions peuvent apparaître en décalage avec la situation économique actuelle, marquée par d’importantes incertitudes sur la trajectoire de la reprise économique, après une recrudescence de l’épidémie ces derniers mois.

Certains facteurs expliquent au moins en partie cette apparente déconnexion. Tout d’abord, le rebond des marchés actions reflète les bénéfices des entreprises cotées, qui, malgré des résultats en demi-teinte, ont été meilleurs qu’attendu au second semestre 2020, ainsi que l’amélioration des anticipations de dividendes sur les prochaines années (cf. graphique 3). Le nombre d’entreprises ayant publié des résultats supérieurs aux prévisions a augmenté des deux côtés de l’Atlantique, même si cette dynamique est plus prononcée aux États-Unis.

Par ailleurs, les investisseurs discriminent les secteurs en fonction de leur résistance aux conséquences de l’épidémie et en prenant en compte les transformations structurelles amplifiées par celle-ci. Une partie de la surperformance de certains indices, en particulier aux États-Unis, peut ainsi être expliquée par le poids des entreprises technologiques en leur sein (plus de 25 % de l’indice S&P 500), pour lesquelles l’impact de la crise a été bien moins négatif et qui bénéficient de l’accélération de la digitalisation de l’économie.

En outre, la baisse des taux d’intérêt « sans risque » qui jouent un rôle clé dans la valorisation des actifs financiers (comme référence et comme taux d’actualisation) est également un facteur de soutien des marchés. Une part de l’appréciation des marchés actions s’explique donc par la prolongation de l’environnement de taux bas, dans un contexte de liquidité abondante.

Si ces facteurs expliquent en partie les variations au niveau des indices actions, des phénomènes d’exubérance irrationnelle ont toutefois été observés. Ainsi, récemment, des phénomènes de bulles spéculatives ont été observés sur des catégories d’actions spécifiques aux États-Unis (dont le cas de GameStop est le plus connu) qui ont fortement divergé de leur valeur fondamentale. Les valorisations élevées qui résultent de tels mouvements spéculatifs peuvent donc donner lieu à des corrections.

Plus globalement, des éléments de fragilité demeurent, au regard de l’incertitude attachée à l’ampleur et au rythme de la reprise économique, auxquels s’ajoute la forte hétérogénéité des performances sectorielles et géographiques. Les valorisations des actifs financiers se fondent en effet sur l’anticipation d’une normalisation assez rapide de l’activité économique et peuvent donner lieu à des mouvements de correction.

 

Pour en savoir plus sur la déconnexion possible entre les marchés financiers et l’économie réelle, voir le chapitre 4 de l’Évaluation des risques du système financier français à fin décembre 2020.